Petite histoire de la MRC de Portneuf

Historique

Rédaction et recherche : Éliane Trottier, David Lesage (Centre d'archives régional de Portneuf-CARP) et Stéphane Lépine

Depuis la conquête, aucune seigneurie n'a été concédée dans la région et l’érection de nouvelles paroisses sera interdite jusqu’en 1791, officiellement, mais ce n’est qu’en 1820 dans la pratique. N’ayant pas d’autres alternatives, les gouvernements de la province de Québec puis du Bas-Canada utilisent la division paroissiale existante pour leurs institutions locales tout comme la milice locale qui est basée sur la même division. Le gouvernement nomme le capitaine de milice, qui joue un double rôle : militaire (les rassemblements, la corvée, etc.) et administratif (coroner, officier de la paix et attestation de bonnes mœurs, etc.). Il n’y a pas que les capitaines de milice qui ont un rôle dans l’administration locale. Plusieurs citoyens, membres de l’élite seigneuriale, agissent comme juges de paix ou commissaires aux petites causes. C’est notamment le cas pour les Allsopp, les Gorgendière, les Hale et François-Xavier Larue. Le gouvernement désigne aussi des responsables locaux des chemins, nommés les députés grands-voyers de comté, qui agissent sous l’autorité du grand-voyer du district de Québec. Ils sont impliqués dans la planification des chemins régionaux. Sur le terrain, dans les paroisses, ce sont des sous-voyers et des inspecteurs des chemins et des ponts, dans les paroisses qui veillent à la construction, à l’entretien des chemins locaux et à la répartition des coûts et des travaux entre les propriétaires. Des assemblées sont organisées afin de discuter des enjeux et de chercher à convaincre le gouvernement de fournir du financement. Les élites seigneuriales, dont George W. Allsopp et les Juchereau-Duschesnay, s’impliquent dans les questions associées au peuplement et à l’occupation des terres.

Les subdivisions des paroisses commencent à apparaître en 1820. Lorsque l’arrière des rangs et les cantons commençaient à s’ouvrir à l’agriculture, ceux-ci étaient mal desservis. Les autorités religieuses pourvoyaient le service religieux des nouvelles communautés qui étaient en train de se former à partir des anciennes paroisses. Certaines nouvelles paroisses ont été canoniquement et civilement érigées rapidement alors que certaines autres ont eu un écart plus important. Pour donner un comparatif, la paroisse de Saint-Casimir a été érigée canoniquement en 1836 alors qu'elle sera érigée civilement en 1853. Pour d'autres municipalités comme Notre-Dame-de-Portneuf, Saint-Basile et Saint-Alban, les deux démarches se sont réalisées en moins d'un an. La reconnaissance civile a permis alors d’implanter un nouveau système de gouvernement dans les années 1840 : le gouvernement municipal avec représentant élu.

Même si, dans plusieurs paroisses, une forme de démocratie participative existait déjà pour les élections de marguillers, faire accepter le régime municipal a été beaucoup plus ardu. À la suite du rapport Durham (1838), le gouvernement de la Province du Canada tente, à travers deux décennies, d'instaurer un système local/régional. Tout d’abord, c'étaient des conseils de district basés sur les circonscriptions électorales. Les paroisses déléguaient des représentants au conseil qui assumait la responsabilité de certaines questions régionales, surtout concernant les chemins. Ensuite, le gouvernement a aboli le conseil pour choisir les paroisses comme base municipale en 1845. Cela a été abandonné en 1847, pour ensuite revenir avec un conseil de comté formé des représentants de paroisses. En 1855, le gouvernement conservait le conseil et recréait les municipalités.

Selon les procès-verbaux qui nous sont parvenus, avant 1855, les affaires de chemins dominent les activités. La tradition de la responsabilité des propriétaires adjacents des chemins continue à être une pratique répandue. Plusieurs autres acteurs vont commencer à s’impliquer dans l’entretien des chemins. Il devient de plus en plus fréquent de voir le conseil de comté, les municipalités et le gouvernement à participer aux frais. C’est le cas avec la construction du pont en fer à Pont-Rouge. En 1884, dans le but de remplacer le pont rouge en bois, les coûts furent répartis par le comité de comté entre les municipalités concernées. Il y avait d’autres sujets discutés par le comité tels que : les élections, rôles d’évaluation, permis d’hôtels et de boissons alcoolisées. Le fonctionnement était très simple : les paroisses élisaient deux conseillers, quelques fois seulement un conseiller, qui se réunissaient trimestriellement et au besoin.

À la suite de la création des paroisses de Sainte-Jeanne-de-Neuville et Saint-Ubalde et de leur municipalisation en 1868 et 1873, respectivement, le développement du territoire s’est arrêté. Il faudra attendre près de 30 ans pour voir la création de nouvelles municipalités qui ne se fera pas sans heurts. L’augmentation de la population, l’extension des terres agricoles vers le nord et le développement de nouvelles économies ont permis la création des nouvelles paroisses et municipalités. C’est la création de Saint-Gilbert en 1893, Sainte-Christine en 1895, Saint-Thuribe et Saint-Léonard-de-Port-Maurice en 1897 et de Saint-Marc-des-Carrières en 1901. Deux autres municipalités seront érigées par la suite, soit Saint-Bernardin-de-Sienne en 1908 (Canton Bois ou appelée aujourd’hui Rivière-à-Pierre) et Saint-Agnès de Donnacona en 1917.

Au début du XXe siècle, les relations entre les habitants des rangs et les habitants du village sont très tendues à travers le comté. En effet, si le dimanche, les habitants se rejoignaient dans l’église du village, la semaine, les habitants réglaient leurs affaires dans deux mairies différentes. Entre 1898 et 1920, nous voyons la création des municipalités de village approuvée par le conseil de comté : Saint-Raymond paroisse, Sainte-Jeanne-de-Neuville, Saint-Charles-de-Grondines, Saint-Casimir Est, Notre-Dame-de-Portneuf, Donnacona, Saint-Alban, Saint-Marc-des-Carrières, Neuville et Saint-Ubalde. Seulement quatre municipalités réussirent à ne pas diviser les villages des paroisses durant cette période : Saint-Augustin, Cap-Santé, Saint-Basile et Deschambault.

Selon le rapport d’analyse de Léonidas Dussault, en 1913, présenté au conseil de comté de Portneuf, des raisons de développement urbain (égout, chemin, prévention des incendies, etc.) et des raisons de développement économique y sont présentées. Par exemple, pour Notre-Dame-de-Portneuf, c’était pour des raisons de développement d'un service d'incendie et l'amélioration des chemins. Pour Grondines, les villageois se plaignaient de trop payer pour le macadamisage des routes, mais ne pas pouvoir recevoir une aide de la paroisse pour la construction des trottoirs. D’autres raisons sont évoquées pour la division des villages : désordres publics, les vendeurs et commerçants sans licences, les maladies contagieuses, etc.

Avec la Loi des bons chemins de 1912, le municipal prend en charge de moderniser les routes et d'en assurer  l'entretien. Le gouvernement provincial met en place un système de subvention permettant aux municipalités de couvrir la moitié des intérêts et tout l’amortissement des emprunts pour les chemins. Une commission des chemins de Québec est créée afin de coordonner la construction et l’entretien des chemins pendant 10 ans, pour faire la transition. L’enjeu du réseau routier reste primordial pour la région. En effet, malgré le développement des routes, le projet de construction d’une route transcontinentale affecte la dynamique locale. En 1936, le conseil de comté s’oppose au projet. Plusieurs problèmes sont nommés : la multiplication des traversées des terres agricoles, la diminution des retombés touristiques par l’évitement des villages, la perte de la visibilité du fabuleux patrimoine bâti de Portneuf au détriment du « derrière de grange », l’augmentation des dépenses liées à l’entretien des multiples routes, les frais de raccordement et les frais d’expropriation. Finalement, le ministère de la Voirie dévoile son plan en 1938, modifiant son tracé d’origine, ce qui oblige le déplacement du Bureau d’enregistrement de Cap-Santé.

L’aqueduc était aussi un enjeu important. Jusqu’à la fin du 19e siècle, l’approvisionnement en eau se fait de façon individuelle, alimentée par des sources d’eau et des puits artésiens. Les premiers à exploiter l’aqueduc privé, sous l’autorisation des municipalités, sont Zéphirin Perrault en 1887 à Saint-Raymond et Samuel Chaliour à Saint-Casimir en 1888. Zéphirin Perrault a construit son système d’aqueduc avec des conduits en bois et des tuyaux en plomb. Samuel Chaliour reçoit l’exclusivité pour 25 ans. Chaliour a exporté son système d’aqueduc privé à plusieurs municipalités  : Saint-Alban (dans les années 1890), Saint-Basile et Deschambault dans les années 1900; canton Bois (Gustave Blanchet) en 1910. Dans les années 1920, l’aqueduc fait partie des services municipaux des nouvelles municipalités axées sur l’industrie, dont Donnacona.

L’organisation municipale va connaître une dernière période de défusion entre 1940 et 1950 avec la création de Saint-Basile-Sud et de Deschambault. Le village de Deschambault est habité par des pilotes et possède des services d’approvisionnement en eau, des trottoirs en béton et des chemins en macadam. En 1948, un groupe d’habitant du village forme une requête afin de refaire le système d’aqueduc et de demander un collège pour les garçons et d’autres projets qui se heurtent à l’opposition de la municipalité de paroisse. Finalement, le 1er janvier 1951, le village est séparé de la paroisse sous un accord d’un partage des actifs et des dettes entre les deux parties.

Les services se développent lentement, car les municipalités dépensent peu dans l’implantation de services publics. Celles-ci laissent le privé développer les services moyennant l’exclusivité. C’est le cas, de l’électricité, l’éclairage des rues, le service de téléphone et le service de télégraphe. Les cotisations versées au conseil de comté contribuent aux services régionaux. Les cotisations sont modestes et basées sur un taux uniforme sur la valeur de l’évaluation foncière des municipalités qui le composent. Les revenus se situent entre 2 500 $ et 3 500 $ dans les années 1940, 5 000 $ et 10 000 $ dans les années 1950 et entre 10 000 $ et 25 000 $ dans les années 1960.  Les dépenses sont utilisées pour l’indemnité aux maires et au salaire du secrétaire-trésorier, au bureau d’enregistrement, au palais de justice, aux chemins de comtés et aux écoles.

Le maire élu préfet du comté et son conseil assurent une certaine coordination des services régionaux et des interventions à caractère politique auprès du provincial. Une grande partie des actions du conseil de comté est de coordonner les actions du gouvernement provincial au domaine intermunicipal. Il gère aussi les chemins, les cours d’eau, les fusions et les défusions de municipalités et la gestion des territoires non organisés. Le conseil de comté de Portneuf prend position sur des questions politiques comme donner un sursis dans l’entraînement militaire durant la Seconde Guerre mondiale aux fils de cultivateurs (1942), que l’unique vétérinaire du comté n’aille pas à la guerre et qu’il aille aider les enfants en France (1943), le bilinguisme en 1952, le français dans le transport aérien en 1976, pour le maintien des services ferroviaires du Canadien Pacifique et du Canadien National menacés de réduction en 1971 et 1972, etc.

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Élection du maire et des conseillers de Saint-Alban (1969) Source : Centre d'Archives régional de Portneuf
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Réunion des maires du comté de Portneuf en septembre 1950 Source : Centre d'archives régional de Portneuf
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Réunion des maires du comté de Portneuf en été 1955 Source : Centre d'archives régional de Portneuf

À la suite de la Seconde Guerre mondiale, le développement de l’automobile est en pleine expansion. Dès 1963, les maires du comté réclament une autoroute traversant le comté, car plusieurs municipalités n’ont pas de route convenable pour transporter leurs produits. C’est seulement qu'en 1974 que commençait la construction de l’autoroute 40 entre Sainte-Foy et Saint-Augustin. Celle-ci sera prolongée jusqu'à Neuville en 1975, puis Donnacona en 1976. Ç'aura pris 10 ans afin de rejoindre Trois-Rivières.

À partir des années 1960, un changement s’opère dans la division des municipalités, il s'agit du début des fusions entre les municipalités. La première fusion dans Portneuf a été la ville de Donnacona qui refusionnait avec les Écureuils. Cela s'est fait sur  plusieurs années, morceau par morceau, soit en 1947, 1956, 1961 et, finalement, en 1966 les élus ont été d’accord pour une fusion des municipalités sous l’autorisation du gouvernement provincial, ce qui, au final, concrétisera cette fusion en janvier 1967. La Loi sur la fusion volontaire de 1971 a eu un certain effet dans la région : la fusion de Saint-Ubalde en 1973, Saint-Casimir village et Saint-Casimir-Est en 1981, Grondines en 1984, Deschambault en 1989, Saint-Alban en 1991, Saint-Raymond en 1995, Pont-Rouge en 1995, Neuville avec Pointe-aux-Trembles en 1997. Les fusions se complèteront au début des années 2000 avec avec la fusion de Deschambault-Grondines.

De 1980 à aujourd'hui...

Le conseil de comté de la MRC a donc été la première institution régionale municipale et elle a existé pendant 125 ans. Les années 1980 ont marqué un tournant dans les régions du Québec. Après l’adoption de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU), en 1979, par le gouvernement Lévesque, les municipalités régionales de comté ont été créées pour la mettre en application. La MRC de Portneuf a été créée dans ce contexte le 25 novembre 1981.

Durant les deux années qui ont suivi l’adoption de la LAU, des consultations publiques ont été menées afin de déterminer le territoire actuel de la MRC. La décision de soustraire les municipalités de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, Fossambault-sur-le-Lac, Lac-Saint-Joseph et Shannon, qui se sont rattachées à la MRC de La Jacques-Cartier, mais également de Saint-Augustin-de-Desmaures, date de cette époque. Auparavant, le comté de Portneuf incluait ces municipalités.

La première réalisation de la MRC de Portneuf a été la réalisation d’un schéma d’aménagement, révisé plusieurs fois depuis. Cet outil a pour objectif de déterminer l’utilisation du territoire et ses fonctions; dans Portneuf, les vocations touristiques, récréatives, forestières et agricoles ont été jugées importantes dès le départ. Un premier rôle d’évaluation foncière a donc été élaboré à ce moment.

Depuis, de nombreux mandats se sont ajoutés à la MRC de Portneuf. En 1988, une nouvelle loi permettait aux MRC d’accroître leurs champs de compétence en fonction de leurs besoins. Au cours des années qui ont suivi, plusieurs mandats régionaux se sont donc progressivement ajoutés : gestion des cours d’eau, du schéma de couverture de risques (sécurité incendie), des loisirs, de la culture,  des matières résiduelles, du transport collectif, du tourisme, des développements économique et rural,  des baux de villégiature, d’un parc régional et de fonds d’aide financière.

Les années 2000 à aujourd'hui

Puis, au milieu des années 90, le gouvernement provincial décide de fusionner les grandes villes (Montréal et Québec notamment) et incitait les plus petites à se fusionner volontairement. C’est à ce moment que la table des maires s'est rétrécie passablement avec plusieurs regroupements (Saint-Raymond ville et paroisse, Pont-Rouge et Ste-Jeanne-de-Pont-Rouge, Portneuf et Portneuf station par exemple).

À travers ses actions, la MRC de Portneuf, au tournant des années 2000, incarne l’idée même d’une gouvernance de proximité et participe au dynamisme de la grande région de la Capitale-Nationale avec de plus en plus d’assurance. Dans plusieurs dossiers, elle a fait preuve d’un réel leadership : à plusieurs niveaux, elle a fait partie des précurseurs. Par exemple, elle figure parmi les premières MRC à avoir embauché un agent de développement culturel (1998), à avoir intégré la question des paysages aux préoccupations d’aménagement (2004), à avoir piloté un projet concerté entre cinq MRC pour l’acquisition d’orthophotos (2011), à avoir assuré le démarrage d’un programme d’aménagement durable des forêts (2016).

Et c’est loin d’être terminé. La MRC de Portneuf veut continuer d’être à l’écoute de son milieu dynamique et tout le personnel d’une cinquantaine d’employés est prêt à aider et structurer de nouveaux projets dans le milieu.

 Écrit par David Lesage, Éliane Trottier et Stéphane Lépine

 

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Premier logo de la MRC de Portneuf
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Conseil des maires en 1982
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Colloque sur l'aménagement du territoire à Lac-Sergent (date inconnue)
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Réunion de travail de la MRC (milieu des années 1990)
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Comité de travail (début des années 2000)
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